(photo Jean Baptiste Pellerin)
Ses prises de paroles sont claires et tranchantes. Il se bat pour la reconnaissance du sort des nomades pendant la guerre et la reconnaissance de leur internement par les autorités françaises. Il ne le répétera jamais assez « ce sont bien les autorités françaises qui nous ont mis dans les camps ».
Il se bat contre toutes les injustices dont sont victimes les pauvres, les laissés pour compte.
Il se bat contre les violences policières, lui qui dans sa quatre-vingt-neuvième année a été victime de la brutalité des forces de l’ordre, effectuant une perquisition musclée sur son terrain. Il rejoint les comités de lutte et devient président d’honneur de l’association la Voix des Rroms.
Pour mettre en œuvre sa volonté de transmettre, il ne compte ni les kilomètres ni sa fatigue et se rend aux quatre coins de la France et de l’Europe pour témoigner. Transmettre à travers son récit, sa volonté de ne pas se soumettre, à ne pas accepter les chaines, à « rester debout », sa force de vie et de liberté. Transmettre surtout aux jeunes dans les écoles primaires, les collèges, les lycées. Il répond à toutes les invitations des associations, instances politiques nationales et européennes.
rester debout,
jamais à genoux
c’est ainsi que nous nous
souviendrons de lui,
en nous efforçant de
perpétuer son message
et de le traduire en actes.
Quelques jours plus tard, le 24 mai, à l’aube de sa quatre-vingt quinzième année, il s’éteint, entouré de sa famille.
A l’annonce de son décès des témoignages d’amitiés affluent du monde entier.
collège Marie Curie d’Etampes, 2012 :
Ecole des Courses hippiques de Graignes,
mai 2020 :
le 2 Août 2016, lors de la commémoration
du génocide des « Tsiganes »
au camp d’Auschwitz-Birkenau
De tous les lieux dans lesquels on a essayé de m’enfermer, je me suis enfui. Six fois pendant cette guerre : du camp d’internement de Linas, des camps où je fus déporté en Allemagne, d’un centre de détention pour jeunes à Angers… Fuir, être libre à tout prix, ce fut ma manière à moi de résister.
La résistance, je l’ai rencontrée à plusieurs reprises durant ma vie vagabonde. D’abord, à Angers où je rencontre un résistant hospitalisé qui me confie sa mission : voler un camion de nourriture aux SS pour le livrer à la Résistance. Arrêté, je suis transféré en tant que terroriste dans une prison allemande à Troyes puis déporté dans deux camps disciplinaires et de travail vers Francfort. Ce sont des cheminots résistants qui me permettront de m’enfuir d’Allemagne, caché dans la soute à charbon d’une locomotive à vapeur.
Mon devoir était de rejoindre la résistance pour finir le combat. J’ai côtoyé la mort bien souvent. Je sais que j’étais sur la liste de ceux qui ont terminé leur vie à Auschwitz.
Mon témoignage est pour la jeunesse. Ne laissez pas votre avenir entre les mains des guignols.
Il faut résister. Il faut résister aux discriminations, au racisme, aux expulsions violentes dont sont victimes les Roms et les Voyageurs dans tous les pays d’Europe.
Nous les anciens, nous avons allumé la flamme. Maintenant c’est aux jeunes de l’alimenter et de la faire grandir pour que nous soyons plus forts. Les jeunes levez-vous. Restez debouts, jamais à genoux !
Raymond Gurême
et n’oublie pas
par le régime nazi et ses alliés
dans toute l’Europe.
Des milliers d’entre eux furent tués dans les camps d’extermination de Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka et Auschwitz-Birkenau. Bien que des chiffres exacts ou des pourcentages ne puissent pas être vérifiés, les historiens estiment que les Allemands et leurs alliés auraient exterminé de 40 à 90% (selon les régions) de la population tsigane européenne.
Les Tsiganes constituaient une « population-test » pour l’hygiène raciale dont le but était d’éliminer les races inférieures. En mai 1944, les Allemands décidèrent de liquider le « camp tsigane » d’Auschwitz. Alors que les SS l’entouraient, ils trouvèrent face à eux des personnes armées de barres de fer et prêtes à se battre. Les Allemands reculèrent et reportèrent la liquidation. Celle-ci eut lieu le 2 août 1944, nuit pendant laquelle 3 000 Tsiganes furent exterminés. Sur les 23 000 Tsiganes déportés à Auschwitz 19 000 périrent.
en France,
des derniers camps un hommage national est
enfin rendu aux nomades internés et à leurs familles
Devant les survivants et leurs familles présents sur les vestiges du camp, le président a ouvert son discours avec ces mots : « Aujourd’hui à Montreuil-Bellay, la France se souvient d’un drame, d’un drame terrible qui a été ignoré, oublié, refoulé pendant trop longtemps et qu’il était nécessaire d’évoquer pour réparer une injustice.».
À cette occasion, le Président annonce la volonté du gouvernement d’abroger la loi du 3 janvier 1969, dans le cadre du projet de loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, pour mettre fin au régime discriminatoire des Gens du Voyage. (Cette abrogation sera effective par la promulgation de la loi du 27 janvier 2017).
« S’il y a un message que nous devons garder de cette journée, c’est bien sûr la reconnaissance d’une mémoire qui a été blessée, ignorée, refoulée qui rejoint aujourd’hui la mémoire nationale. C’est le souvenir de celles et ceux qui ont été retenus dans tous ces camps et qui, aujourd’hui par les descendants qui sont ici, retrouvent réparation et fierté. Mais ce que nous devons surtout transmettre à tous ceux qui nous suivront, c’est d’être toujours vigilant, d’être toujours prêt à mener le combat pour la liberté, à toujours défendre la dignité humaine et la liberté. »
Ce message de vigilance à l’égard « de populations qui peuvent être humiliées, stigmatisées, exclues » reste de parfaite actualité. Trop souvent encore ces citoyens français à qui l’on rendait hommage ce 29 octobre 2016 à Montreuil-Bellay, sont victimes de discriminations, d’exclusion ou de racisme, y compris de la part d’élus de la République.