Raymond à 18 ans.
(Archives familiales)

Raymond a 14 ans
lorsque la guerre
éclate.
Il passe sa quinzième année au camp d’internement de Linas Montlhéry.
À 16 ans, il est seul sur les routes, parcourant des centaines de kilomètre à pied pour apporter de la nourriture à sa famille au camp de Linas.

À 17 ans, il continue son périple pour approvisionner les siens au camp de Montreuil-Bellay. Il est arrêté près du camp et transféré dans une maison de redressement à Angers.

Cette même année alors qu’il travaille à l’hôpital d’Angers, il entre en contact avec un résistant et réussit l’exploit de détourner un camion de ravitaillement au profit des maquisards.

…il a fini par me dire qu’il faisait partie de la Résistance. Il m’a parlé d’un plan pour voler un des camions. Nous nous sommes mis d’accord pour que je prenne le camion, que je sorte de l’hôpital et que je l’abandonne à un croisement, où des gars du réseau auquel appartenait le blessé en question viendraient chercher le véhicule.

Dénoncé aux Allemands par le directeur de l’hôpital, il est arrêté et conduit à la prison du Pré-Pigeon où il attend sa condamnation et redoute son exécution.
La mort le frôle de près, mais bien que considéré comme terroriste par les Allemands, il est finalement conduit à la prison militaire du Haut-Clos à Troyes, puis déporté en Allemagne à Heddernheim, un camp disciplinaire près de Francfort. Les coups pleuvent comme dans tous les lieux d’enfermement qu’il a connus, mais avec encore plus de violence. Des coups de matraque quotidiens sont le lot des prisonniers condamnés pour faits de résistance. Raymond reçoit les coups sans broncher, narguant les gardiens par son stoïcisme.
Encore une fois,
il réussit à s’enfuir.
Fin août 1943, alors qu’il entre dans sa dix-huitième année, il est arrêté par les Jeunesses hitlériennes puis transféré dans un camp de haute discipline à Oberursel. Tabassé pour des faits de rébellion, il gardera toute sa vie les cicatrices sur son crâne, défoncé par les coups des gardiens.

Lorsque j’ai appris que mes proches se trouvaient à Montreuil-Bellay, j’ai cherché à aller les voir et à les ravitailler. Je m’y suis rendu trois fois. Ma famille et les autres internés souffraient aussi de la faim dans ce camp, surtout pendant l’hiver 1942, durant lequel un nombre très élevé d’internés ont succombé.

Au printemps 1944, alors qu’il est affecté au déchargement des trains à la gare de Francfort, il rencontre un conducteur de train français et le 15 juin 1944 c’est avec sa complicité qu’il réussit à gagner Paris, planqué dans un wagon de charbon. Comme il le raconte plus tard « Si ce cheminot qui faisait partie de la Résistance comme nombre de ses camarades ne m’avait pas ramené, je pense que j’aurais été envoyé dans les fours crématoires ».

De retour en France, son but est de rejoindre la Résistance. Il rallie un groupe de FFI et prend part aux actions de sabotage et de combats jusqu’à la libération de Paris en août 1944.

Sur tous ces exploits qui ont marqué sa jeunesse, Raymond est resté discret pendant toute sa vie. Lorsqu’il commence à raconter ces faits, à l’aube de sa quatre-vingtième année, il le fait sans forfanterie, avec la simplicité qui l’a toujours caractérisé. S’il est devenu un « héros » aux yeux des jeunes qu’il a rencontrés, c’est bien malgré lui. Son but est avant tout de transmettre le relais et d’exhorter les jeunes à lutter contre les injustices et à ne jamais se résigner à l’instar de l’adolescent qu’il fut et de l’homme « debout » qu’il est resté toute sa vie.

4 octobre 1940, arrestation de la famille Gurême, assignation à résidence au camp de Darnétal.
27 novembre 1940, les 200 nomades internés à Darnetal sont tansférés au camp de Linas Montlhéry.

5 octobre 1941, évasion de Raymond du camp de Linas Montlhéry.
21 avril 1942, fermeture du camp de Linas, transfert des internés au camp de Mulsanne puis le 3 août 1942 à Montreuil Bellay.

Au cours de l’année 1942, Raymond fait des allers-retours entre la Bretagne où il trouve du travail dans des fermes et le camp de Linas puis au camp de Montreuil Bellay pour apporter de la nourriture et des vêtements à sa famille.

Au début de l’année 1943, Raymond est arrêté et placé à la « Villa des Roses » une maison de redressement à Angers qui se trouve dans l’enceinte d’un hopital. Il détourne un camion, pour les maquisards. Il est envoyé à la prison d’Angers, le Pré Pigeon puis à la prison du Haut Clos à Troyes.

Août 1943, déportation de Raymond au « camp de rééducation par le travail» de Heddernheim près de Francfort. Il s’en évade et lorsqu’il est repris, il est envoyé au camp de haute discipline situé à Oberursel. Il s’évade le 15 juin 1944 et regagne Paris où il rejoint la Résistance et participe à la libération de Paris en Août 1944.

Complètement coupé des siens Raymond ne retrouve la trace de sa famille qu’au cours de l’année 1950 en Belgique.

Le roi de l’évasion

(1941-1944)

Raymond est encore un enfant lorsqu’il « se fait la belle » de la sinistre maison de rééducation de Montesson.

Ce sera la première de toute une série d’évasions, les suivantes étant attestées dans les archives des différents lieux d’enfermement dont il a réussi à s’extraire, et même dans la presse locale.

Première évasion du camp
de Linas Montlhéry en juillet 1941

« Deux internés se sont évadés du camp dans la nuit du 26 au 27 juillet 1941. Il s’agit de : Gurême René Hubert, dit Leroux né le 22 août 1932 à Lagny ; Gurême Raymond, dit Leroux né le 11 août 1925 à Meigneux »

(Inspecteur de police Milly Robert, directeur du camp de nomades
de Linas Montlhéry à Monsieur le secrétaire général pour la police.)

René et Raymond se réfugient chez un cousin à Saint Mard en Seine-et-Marne où ils sont arrêtés le 14 août 1941 suite à la dénonciation d’un maire de leurs communes de naissance (dans le dispositif mis en place pour rattraper les évadés, les services de polices préviennent les différentes administrations susceptibles de recevoir des demandes de papier d’identité).

Deuxième évasion du camp
de Linas Montlhéry le 5 octobre 1941

Condamné pour rébellion envers un gendarme qui maltraitait un petit enfant, il est condamné à un mois de cachot. C’est là qu’un soir il décide de se « nachav ». Parvenant à arracher ses menottes, il s’enfuit et se réfugie dans un arbre. Grâce à son agilité, à sa détermination et à sa force mentale il se maintient en équilibre pendant des heures sur une branche jusqu’au petit matin, quand les gendarmes ont arrêté les recherches.

Au printemps 1943 :
évasion de la « Villa des Roses » à Angers

Comme son nom ne l’indique pas la Villa des Roses est une maison de redressement pour orphelins, résistants ou « délinquants ». Raymond y est conduit après avoir été arrêté aux abords du camp de Montreuil-Bellay. Il y rencontre un autre « pensionnaire », Henri Querouet, avec qui il se lie d’amitié et bientôt les deux adolescents s’enfuient en Bretagne, retrouvant pour quelques temps, le chemin de la liberté. Ils sont arrêtés quelques semaines plus tard et ramenés au point de départ.

L’évasion suivante a lieu en juin 1943.

Elle est consécutive au détournement d’un camion de ravitaillement qu’il effectue pour le compte de la Résistance. Dénoncé par le directeur de l’hôpital où il était employé, Raymond n’a pas d’autre choix que de prendre la fuite. La presse locale s’en fait écho : « ÉVADÉS DE L’HÔPITAL, l’un à 18h mercredi, l’autre à 1h jeudi, Raymond Gurême et Henri Quérouet, 18 ans sont recherchés par la police. Leurs signalements sont diffusés à tous les services de polices », Le Petit Courrier, 18/06/1943.
L’étape suivante est la prison d’Angers puis celle de Troyes avant la déportation en Allemagne.

Fin août 1943 : évasion du camp de « rééducation par le travail » d’Heddernheim.

Sous le matricule « 3619 » Raymond se retrouve dans ce camp disciplinaire, aux prises avec la violence des SD, l’une des unités les plus dures du régime nazi. Profitant d’un bombardement, il réussit à s’en échapper. Mais il est stoppé dans sa fuite par un groupe des Jeunesses hitlériennes, ramené au camp puis à la prison de Francfort, il est ensuite transféré au camp de discipline d’Oberursel.

« Parti le 15 juin 1944
(destination non indiquée) »

C’est sous cette formule que les documents de la « Staattspolizei » de Francfort-sur-le-Main mentionnent l’évasion de Raymond.

De retour à Paris,
il rejoint la Résistance.

Les camps d’internement pour Tsiganes
en France durant la Seconde Guerre mondiale

Carte « Tsiganes en France. Un sort à part. 1939-1946 ». Ed. Perrin, 2009

A la fin du mois de décembre 1940, environ 1 700 nomades et forains sont internés dans 10 camps. A l’automne 1941, environ 3300 personnes sont internées dans 15 camps. Les plus importants se situent à Jargeau (Loiret), Poitiers (Vienne), Moisdon-la-Rivière (Loire-Atlantique) et Coudrecieux (Sarthe).

En novembre 1941, les Allemands décident de réorganiser l’ensemble des camps d’internement pour nomades, afin de réduire les frais de fonctionnement et pallier le manque de personnel de surveillance. Les internés sont transférés dans des camps à vocation régionale.

Le 8 novembre 1941 « le camp de concentration de nomades de Montreuil- Bellay » est créé à cet effet.
En zone libre, les principaux camps où les familles nomades sont enfermées sont situés à Agde, Argeles, Barcarès, Rivesaltes et Gurs dans des lieux construits à l’origine pour interner les républicains espagnols. Deux autres camps réservés exclusivement aux nomades sont mis en place par le régime de Vichy sur le plateau de Lannemezan et à Saliers. Ce dernier est conçu de toutes pièces comme un instrument de propagande de Vichy. Edifié en Camargue près du lieu de pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer, les familles doivent y exercer des activités traditionnelles telles que la vannerie.
Cette sinistre mise en scène est mise à mal par les conditions de vie épouvantables. Près de 600 personnes passent dans le camp jusqu’à sa fermeture en août 1944. On y dénombre plus de 60 cas d’enfants arrachés à leurs familles et « placés ».

Différents témoignages et documents d’archives indiquent que des nomades ont connu également à titre individuel ou en famille d’autres camps comme ceux de Noé, Nexon, Fort Barraux. A l’heure actuelle (2021) une soixantaine de camps et lieux d’internement ont été dénombrés.