C’est comme ça qu’il se retrouve à Linas et là il constate que le régisseur de l’ancien camp, le sinistre Bertaux, qui détournait les tickets d’alimentation des internés à son profit est devenu maire de la commune.
Il découvre également que certains gardiens du camp ont rejoint la gendarmerie et poursuivent d’une autre manière le harcèlement des Voyageurs dont Raymond et sa famille seront victimes pendant des décennies.
puisque je suis là… »
« Poupée ! » Elle crie « Raymond ! »
Du coup elle lâche le panier. Toute sa marchandise a tombé sur la route, alors je lui ai donné un coup de main pour ramasser, des cartes de boutons, de la dentelle et des élastiques. Alors je lui ai demandé où il était arrêté.
Elle m’a dit : « là tout près. »
Ils étaient en train de parler près des caravanes. Quand ils nous ont vu, ma mère est tombée par terre et mon père s’est tenu après la caravane pour ne pas tomber aussi.
La première parole qu’ils m’ont dit :
« depuis le temps on te croyait mort ! »
Je leur ai répondu :
« je suis pas mort puisque je suis là »
On a continué à faire les fêtes pendant quelque temps. J’ai dit à mes parents que je retournais en France car je ne me plaisais pas en Belgique. Alors mes parents m’ont dit : « tu retournes en France on retourne avec toi. » Alors mon père a donné son jeu de quille avec sa baraque de gagne-tout à ma sœur Henriette et on a pris la route pour la France.
de la mémoire
En 1983, Raymond se voit refuser ce titre, au motif de « délinquance » : un comble lorsque cette qualification s’applique au vol du camion de nourriture dérobé à l’occupant nazi au profit de la Résistance, et que l’opposition est doublement motivée par l’évasion du camp de Linas.
Ce n’est qu’en 2009, soit 26 ans plus tard que l’administration française consent à réparer son injustice.
C’est à son ami François Lacroix que Raymond commence à confier son histoire dès la fin des années 1970. À cette époque l’internement des Tsiganes est encore un déni de l’histoire officielle.
Un collectif s’organise également en Essonne et la première marche commémorative de l’internement des nomades du camp de Linas Montlhéry voit le jour en novembre 2010. Raymond Gurême prend la tête du cortège, comme il le fera toutes les années suivantes.
Le 27 novembre 2011 une stèle portant le nom des internés du camp de Linas Montlhéry est inaugurée sur le parvis de la gare de Brétigny sur Orge. Elle est surmontée d’une sculpture figurant un petit homme perché sur un arbre. Il s’agit de la représentation de la spectaculaire évasion de Raymond qui inspirera à sa sœur Henriette la fameuse chanson, qui deviendra l’hymne de Raymond.
Un chemin de liberté, de Fabienne Henry
Raymond Gurême a reçu la distinction de Chevalier des arts et des lettres, pour son livre, en 2012
« Ils ont eu la graisse, ils n’auront pas la peau », Jean-Baptiste Pellerin, Chapati Production, 2014, 37 min.
A la sortie des camps, la plupart d’entre eux ont parcouru à pied et dans le plus grand dénuement, les centaines de kilomètres qui les séparaient de leur famille. Au moment de leur arrestation, les nomades avaient dû tout abandonner sur place, en particulier leurs moyens de transport et d’habitat, leur matériel de travail et leurs affaires personnelles. A leur retour, ils ont découvert que tout avait disparu, été pillé ou même vendu. Beaucoup de familles ne reprennent pas le voyage et se sédentarisent à proximité des camps où elles ont été internées.
Les gouvernements de la République qui se sont succédé depuis la Libération n’ont pas cru bon d’expliquer quel traitement avait été appliqué aux « Tsiganes » de France, avec le concours des autorités françaises, pendant la Seconde Guerre mondiale. Peu d’entre eux ont perçu des indemnités ou reçu une carte d’interné leur ouvrant droit à une pension.
Nombreux sont ceux qui par méconnaissance des démarches administratives n’ont jamais fait la demande. Pour recevoir une carte d’interné, il fallait que les internés fournissent la preuve de leur internement. Seuls les internés des camps dont l’histoire a été retracée ont pu faire valoir leurs droits. La carte d’interné qui leur a été attribuée est une carte « d’interné politique ».
Aujourd’hui les associations d’anciens internés ou de descendants de « nomades » persécutés oeuvrent à la diffusion de cette histoire auprès du grand public et à son inscription dans les manuels scolaires.
Il a fallu attendre l’année 2016 pour qu’un hommage national soit enfin rendu.